J’ai décidé il y a un peu plus d’un an de mettre en place le projet de rédaction d’un ouvrage collectif de femmes autour de la sororité.

L’idée mijotait déjà puis il y a eu un face-à-face qui n’était pas prévu : une rencontre avec un livre. Il s’agit du recueil « Sororité » de Chloé Delaume que j’ai trouvé par hasard dans une petite librairie de la Place Drouet d’Erlon à Reims en France.
Il est des lectures capitales. Celle de ce petit livre regroupant un peu plus d’une dizaine d’autrices m’a permis de comprendre avec clarté ce que j’avais envie de réaliser : faire à mon tour, une petite démonstration de sororité avec un livre sur le concept, par des femmes du monde entier, dans les genres littéraires les plus variés. Je le voulais, signé de 40 femmes, 32 m’ont répondu par l’affirmative, chacune encore plus enjouée, encore plus pressée que moi, de mettre en place cet ouvrage. Nous étions en décembre 2021. Le 08 mars 2022, notre livre était bouclé, écrit, édité et publié.
Qu’est-ce que la sororité ?
La sororité peut être envisagée comme un dessein politique, voire exclusif, en ce qu’elle n’inclue qu’une partie de l’humanité, à savoir les femmes. L’on peut, en effet, être choqué par l’idée que les représentantes du sexe dit faible, envisagent fédérer leurs énergies pour construire ensemble.
Toujours perçues comme des rivales naturelles en vue de plaire aux hommes (sœurs en compétition pour gagner l’estime du père, adolescentes ou jeunes femmes en lutte pour devenir la préférée de l’amant convoité, épouses ou concubines en antagonisme constant dans un foyer de polygamie, rivales impitoyables dans le milieu du travail, sans oublier la traditionnelle opposition épouse/maîtresse), les femmes paraissent ordinairement faites pour ne pas s’aimer, pour se détester cordialement.
À jouer à ce jeu de savoir « qui est la plus belle » auquel le patriarcat les a sans cesse réduites, elles ont souvent perdu de vue une chose fondamentale : les hommes arrivent à dominer, à obtenir des résultats, parce que, très souvent, ils se fédèrent dans cette chose communément admise et célébrée dans moult devises nationales : la fraternité. La sororité nous invite à faire pareil, car elle vise à « agir par la marge sur le cœur du système. Se soutenir et s’encourager. » (Estelle-Sarah Bulle).
Cela revient simplement à écrire que la sororité est une invite à plus de bienveillance entre femmes, une invite à ne pas détester telle ou telle autre, juste parce qu’elle est une femme, donc une rivale, donc une ennemie. Non, la sororité est indulgence, compréhension et magnanimité entre femmes, non pas dans un angélisme religieux, mais simplement dans l’acceptation de l’autre comme sœur. La sororité est un projet politique, en effet, mais elle est le prix à payer par les femmes, pour les femmes, pour sortir enfin du cercle vicieux dans lequel elles sont confinées par la société, voire, rêver préparer une société moins contraignante pour leurs filles, ces autres sœurs en devenir. Comme le résume Estelle-Sarah Bulle, « de la bienveillance, de la considération et, quand c’est possible, de la solidarité… Pas plus compliqué que la fraternité en fait. »
La sororité, un humanisme
Comment envisager qu’une femme s’aime elle-même, si elle déteste son semblable ? Ce serait comme si une personne, en regardant dans un miroir, parvenait à abhorrer son reflet, prétendant pourtant s’estimer personnellement. La chose est quasiment impossible, dans la mesure où, en détestant les femmes, les autres, les femmes en réalité, déprécient La femme. Si elles estiment leurs congénères, les acceptent en êtres humains, avec leurs qualités et leurs défauts, c’est en réalité à un travail d’acceptation d’elles-mêmes qu’elles se livrent. Dans le monde entier, et globalement, le sexe dit faible est confronté à de nombreux défis presque partout semblables, qui ont nom : sexisme ordinaire, paternalisme, plafond de verre, etc. Elles sont jugées sur leur apparence, et la société a du mal à leur faire confiance.
« Ce que je sais, c’est que nous sommes nous : liées par le genre, liées par nos combats, liées par nos exclusions. Il ne tient qu’à nous de tout réparer et d’arrêter de crier : « À bas la sororité ! » toutes les fois qu’une sœur est impliquée. Je veux recommencer. » (Marcelle Sandrine Bengono).
Et effectivement, la sororité permet de recommencer. Il serait, en effet, une double peine si, entre elles, par surcroît, elles se refusaient la main tendue. La sororité est cette force, qui permet à la Femme de se reconnecter à la Femme, pour construire l’humanité. « Elle vit en Moi, en Toi, en Nous, Ancestrale Fraternité des Femmes avec un « S » comme Sœur. » (Caroline Despont).
S comme sœur. S comme sœurs. S comme Sororité, pour rebattre les cartes, déconstruire les paradigmes qui ont longtemps eu la peau dure, et repartir comme toutes neuves : ce n’est qu’à ce prix que les femmes pourront illuminer l’humanité de tous les trésors de leur féminité. Il s’agit ici, non pas seulement d’anihiler le déséquilibre actuel, mais aussi de ne pas en créer un autre, dans lequel, les femmes ayant désormais le pouvoir, reprendraient les codes de la phallocratie actuellement régnante, pour mépriser à leur tour les hommes. Au contraire, rayonnantes de leur puissance universelle, les sœurs, les mères, les filles rayonnantes pourront enfin illuminer l’humanité de leur bienveillance et de leur douceur si longtemps comprimé…
MANIFESTE DES SORORES
Des milliers de femmes se font invectiver tous les jours par des hommes, des pères, des fils, des maris, des amis, des amants, des inconnus, dans la rue, dans les endroits publics, au sein même de leurs familles et surtout sur les réseaux sociaux.
Elles le sont, à travers des remarques désobligeantes, des blagues lourdes qui, sous le couvert de la plaisanterie, tendent à rappeler sournoisement aux Femmes que « leur place est à la maison ». On juge leur façon d’être, de s’habiller, de s’exprimer, on juge leur physique, on dévalorise leurs compétences intellectuelles, tout en continuant à exploiter leurs forces dans les sphères familiales, sociales, économiques et politiques pour le « bon équilibre » des communautés.
Ce sexisme primaire et rampant n’est plus tolérable en 2023 !
Je déclare que je suis l’une de ces femmes. J’affirme avoir été traitée de « salope », « cinglée, « moins que rien », « idiote », « névrosée », « incapable », « moralement et spirituellement sale », …
Je réclame le Respect, de la part des Hommes, mes semblables !
Je réclame le Respect, de la part des Femmes, mes semblables, dont le silence assourdissant cautionne ces attitudes !
Je proclame l’Urgence d’établir un Dialogue entre les Individus avec pour but prioritaire la déconstruction des préjugés religieux, politiques, sociaux, culturels et raciaux, poisons insidieux de nos divisions.
Si vous êtes une femme et que vous désirez signer ce manifeste, faites-le moi savoir. Vous pouvez aussi simplement envoyer un mail à sororitecherie@gmail.com, précisant votre identité, votre nationalité et votre qualité.
Si vous êtes un homme, et que vous avez envie d’aider pour cette cause, partagez le texte auprès des femmes qui pourraient signer.
Ce texte sera publié le 08 mars prochain dans différents médias avec les noms de ses signataires.
Cette initiative du collectif Sororité Chérie vise à marquer de façon originale la journée du droit des femmes cette année, tout en sensibilisant le public à mieux respecter les femmes.