Racines et patrimoine dans la création littéraire africaine (Finab 2023)

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RACINES ET PATRIMOINE DANS LA CREATION LITTERAIRE AFRICAINE

Ce mardi 15 février, dans le cadre du Finab (festival international des arts du Bénin), j’ai eu l’occasion de faire partie des panélistes pour parler des racines et du patrimoine dans la création littéraire africaine en compagnie de personnalités béninoises : Florent COUAO-ZOTTI, Florent HESSOU, Chédrack DEGBE, Jérôme TOSSAVI.

Voici les points dont je comptais parler, ce que j’en ai dit et ce que je n’ai pas eu l’occasion de délivrer (en vrac).

Lorsque j’ai reçu l’invitation pour ce panel, je me suis vu, humblement, à Dakar en 1966 au Festival mondial des arts nègres – mot qui provoque encore des remous à notre époque – organisé par M. Léopold Sédar Senghor. Dans ce festival, un colloque fut organisé sur le thème « fonction et signification des arts négro-africains » dont les conclusions furent qu’il fallait espérer que les gouvernements africains adoptent des mesures concrètes en faveur de la promotion des arts, des lettres et de la culture, qu’une véritable politique de la culture puisse naître. Donc merci pour cette faveur qui m’est faite d’être à la même table que vous chers illustres béninois.

Le thème du jour est cependant complexe pour moi de par ma culture occidentale bien que l’inspiration littéraire qui est mienne est essentiellement africaine : « Racines et patrimoine dans la création littéraire africaine », voyez-y dès lors un œil extérieur et une approche toute personnelle.

Le postulat connu

La racine et le patrimoine jouent un rôle important dans la création littéraire du continent. Les auteurs africains sont souvent influencés par les traditions, les croyances et les histoires transmises de génération en génération dans leurs communautés. Cela se reflète souvent dans leurs œuvres, qui peuvent explorer les thèmes de l’identité, de l’histoire, de la culture et des relations intergénérationnelles. Beaucoup sont ceux qui utilisent la littérature pour documenter et célébrer le patrimoine culturel, ainsi que pour critiquer les systèmes politiques et sociaux oppressifs. En explorant les racines de leur culture, les auteurs offrent une perspective unique sur les expériences historiques et contemporaines des communautés et, par extension, sur les défis auxquels elles sont confrontées.

Enfin, les racines et le patrimoine peuvent également influencer la forme de la littérature, que ce soit à travers l’utilisation de formes narratives traditionnelles telles que les contes et les légendes, ou à travers l’intégration de termes et de phraséologies spécifiques à certaines cultures.

En résumé, les racines et le patrimoine sont des éléments clés dans la création littéraire africaine, offrant des perspectives riches et complexes sur les histoires, les cultures et les communautés d’Afrique.

Mais pour pouvoir mieux comprendre et appréhender ces spécificités, il m’a fallu du temps, il m’a fallu apprendre à connaître, à rencontrer une culture différente de la mienne. Pourquoi ? L’histoire a partiellement répondu à mon questionnement :

Lorsqu’on associe la littérature à une région ou à un pays, on la caractérise par son lieu de production, son thème portant sur la région, sa langue et l’origine de l’auteur. Si nous appliquons cette logique à la littérature africaine, elle devrait se définir comme un genre littéraire regroupant les œuvres écrites et orales produites en Afrique ou par les habitants du continent qui parlent de sujets concernant l’Afrique et utilisant les langues du continent. Ce qui ne fut pas le cas en des temps anciens puisque l’écriture Bamoun au Cameroun fut interdite par l’administration coloniale française.

Ces époques ont donc permis la production d’une littérature africaine fondée sur l’expression de différentes civilisations ayant chacune leur langue et produite par des Africains sur le sol africain, parlant de leur propre culture.

Avec l’expansion de l’empire romain, des califats arabo-musulmans et des régimes coloniaux européens, la littérature africaine  a pris un nouveau tournant car d’autres flux de populations et  d’autres langues, notamment l’arabe, le français, l’anglais, l’espagnol etc se sont diffusées et imposées sur le continent africain. Ces événements historiques ont fait que l’Afrique était une littérature écrite par les européens en langue européenne pour parler et décrire le continent. Cette vision était le plus souvent erronée et raciste. Au fur et à mesure, l’Afrique est alors racontée à travers des récits de voyage et d’exploration ce qui a permis un certain succès au roman colonial dans les années vingt. On parlait de littérature exotique. Cette littérature était donc d’auteurs européens, mais ayant pour sujet l’Afrique.

C’est au temps des indépendances que les penseurs africains ont commencé à exprimer leurs idées à travers une littérature engagée pour dénoncer les régimes coloniaux créant des mouvements littéraires comme celui de la négritude.

La littérature africaine aujourd’hui se fraye tout doucement un chemin dans l’espace international, à travers les différentes distinctions et reconnaissance qui lui sont octroyées.

Mais il n’y a pas que cela et j’en reviens à mon expérience personnelle et c’est en cela que la littérature africaine est selon moi une mine de richesse pour celui qui ne la maîtrise pas.

Prenons le premier ouvrage qui me vient à l’esprit : « mémoires d’un porc-épic » d’Alain Mabankou. Après une première lecture, je me suis retrouvé dans la peau d’un gamin qui venait de découvrir un album d’Astérix et Obélix, à savoir, de n’être pas en mesure de comprendre toutes les allusions faites. Pour l’un, c’était l’âge, pour l’autre le manque de… cultures au pluriel. C’est après recherches que l’ouvrage me donna un autre éclairage. Tout cela pour vous dire qu’un livre africain, pour un étranger au continent, c’est deux livres en un. Propos tout personnel, bien entendu. Tout cela pour vous dire qu’il est vital de s’imprégner de la culture de l’Autre.

Les auteurs africains ont toujours été à l’avant-garde en termes d’expression et de narration. La littérature africaine est jalonnée d’œuvres qui mêlent différents genres et médias pour raconter des histoires complexes. Les auteurs utilisent des techniques innovantes telles que le métalangage et le méta-récit pour raconter leurs histoires. Le métalangage est l’utilisation d’un langage particulier afin de se référer à une autre langue ou un autre genre littéraire. Cette technique est utilisée pour explorer et développer des sujets difficiles et controversés. Les auteurs africains utilisent également le méta-récit pour explorer des thèmes tels que l’identité, la famille, l’amour et la mort. C’est la que la «poésie » prend tout son sens ; ça chante, ça danse, ça virevolte.

De plus, ils ont recours à des formes d’expression innovantes pour raconter leurs histoires. Les auteurs africains peuvent utiliser des images, des sons, des vidéos et de la musique pour ajouter de la profondeur et de la texture à leurs œuvres. De cette manière, ils sont en mesure de transmettre leurs messages, le slam est en quelque sorte un exemple de la chose.

De fait et pour résumer les choses, les nouvelles approches des arts dans la littérature africaine reflètent une tendance actuelle qui consiste à intégrer différents médiums artistiques dans la littérature pour créer des œuvres plus immersives et multidisciplinaires. Musique, danse, peinture et photographie enrichissent les thèmes et les histoires et donne une nouvelle dimension à la narration. Cette tendance est en partie influencée par le mouvement du Néo-Réalisme africain, qui a commencé dans les années 2000 et a vu un grand nombre d’artistes africains explorer de nouvelles formes d’expression pour raconter leur histoire de manière unique et puissante.

Aimé Césaire aimait à dire que ce qui compte dans l’art africain, ce n’est pas l’art, mais l’artiste, donc l’homme (…) il s’agit pour l’homme de recomposer la nature selon un rythme profondément senti et vécu. L’art africain sous toutes ses formes est d’abord dans le cœur, la tête, le ventre, le pouls de l’artiste, c’est une manière d’être.

S’il veut continuer à exister, il se doit de rester authentique, de garder ses racines et non de copier, imiter ce qui se fait ailleurs ; c’est une riche culture qui est en jeu et si la littérature peut être un levier pour tous les arts, ce ne peut qu’être bénéfique.

« On ne peut fabriquer un artiste, mais on peut, hélas, l’étouffer ».

Un lien vidéo du moment : https://www.youtube.com/watch?v=ydlLgP8LXL4

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