L’oralité en Afrique est la transmission de la culture, de l’histoire, des croyances et des connaissances à travers la parole et la mémoire collective. C’est un aspect fondamental de la culture africaine qui remonte à la nuit des temps et qui est encore très présent dans de nombreuses régions d’Afrique. C’est un passage de témoins de générations en générations : les griots en Afrique de l’Ouest, les conteurs en Afrique centrale, les musiciens en Afrique de l’Est et les devins en Afrique australe sont des exemples de la richesse de la tradition orale du continent. Cependant, avec l’émergence des technologies modernes, les nouvelles formes de communication, de divertissement et l’influence de la culture occidentale, l’oralité s’est vue menacée, voire même oubliée, ce qui a mis et met encore en péril la conservation de la richesse culturelle africaine.
« En Afrique un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle », disait Amadou Hâmpaté Bâ, écrivain malien qui, à travers ses différents ouvrages consacrés à la tradition et aux civilisations africaines, s’est rendu célèbre grâce à son combat inlassable au service des cultures orales et du dialogue entre civilisations.
En Afrique les vieillards et les griots étaient chargés des témoignages oraux et de la transmission de la mémoire des lignées. Ils jouaient ainsi un rôle déterminant dans l’éducation des jeunes en leur racontant les gloires et les bienfaits de leurs ancêtres, une manière de les mettre en garde contre certains comportements et attitudes, qui seraient indignes de leurs personnes en tant que descendants de lignées notables. Osons la comparaison avec un cours de citoyenneté de notre époque !
Amadou Hâmpaté Bâ : « la tradition orale est au cœur de l’histoire de l’Afrique, de l’héritage de connaissance de tous ordres patiemment de bouche à oreille et de maître à disciple à travers les âges ».
Pendant les différentes conquêtes entre les royaumes africains ou entre ceux-ci et les armées des colonies occidentales, ce sont les griots qui se mettaient en avant et battaient les tam-tams, chantaient des louanges des combattants, ce qui leur donnait du courage, de la motivation et une réelle volonté de combattre l’adversaire. Cela étant, les griots étaient considérés comme des intouchables sur les champs de bataille. Aucun combattant des deux camps n’avait le droit de les tuer ou de les blesser.
Authenticité des sources
On ne peut pas toujours être sûr de la fidélité des propos rapportés par des témoins du passé et dont on ne sait pas non plus les réelles motivations. Ce manque de fidélité dans la transmission de la tradition orale est en fait, beaucoup plus fréquent chez les griots que chez certains vieillards africains. En effet, les griots sont souvent habités par des sentiments de vouloir embellir l’histoire, sans pour autant se soucier de la véracité des faits. Cela est motivé la plupart du temps, par un besoin de faire plaisir et de ne pas vexer ou par des intérêts pécuniaires comme des cadeaux que pourraient leur offrir la ou les familles dont on raconte l’histoire des ancêtres.
Cela amène Amadou Hâmpaté Bâ à affirmer que : « ce qui est en cause derrière le témoignage lui-même, c’est bien la valeur de l’homme qui témoigne… Or, c’est dans les sociétés orales que non seulement la fonction de la mémoire est la plus développée, mais que le lien entre l’homme et la parole est le plus fort. Là où l’écrit n’existe pas, l’homme est lié à sa parole, il est engagé par elle. Il est sa parole, et sa parole témoigne de ce qu’il est ».
C’est donc dire que la parole est un élément fondamental dans la transmission de la tradition orale. Car le savoir est comme une source de lumière qui est en l’homme, comme le soulignait Thierno Bokar – maître spirituel d’Amadou Hâmpaté Bâ –, « le savoir est une lumière en l’homme. Il est l’héritage de tout ce que les ancêtres ont pu connaître et qu’ils ont transmis en germe, tout comme le baobab est contenu en puissance dans sa graine ».