Je vais certainement faire grincer des dents avec ce constat. Qu’importe, l’échange sur le sujet est le plus important.
Le postulat que les gens aiment à soulever est que le Congolais ne lit pas. S’il est vrai, il faut s’intéresser au pourquoi, parce qu’en restant sur cette affirmation, on stigmatise celles et ceux qui lisent.
J’aime aussi à dire que le mimétisme prend une part importante chez l’enfant : s’il ne voit personne lire, il n’y pensera pas.
Comment attirer les jeunes à l’écriture et à la lecture ?
Les deux vont de pair
Écriture : il existe des ateliers d’écriture organisés par différentes personnes, mais toujours en dehors de l’école et les prix sont parfois prohibitifs et les résultats peu probants. Je pense que ce type d’ateliers devraient être inscrits dans les programmes d’éducation parce qu’on en est toujours à s’intéresser à la calligraphie et l’obligation (notes de cours). L’homme, et donc l’enfant, n’aime pas être obligé, laissons-lui alors la possibilité de créer librement en organisant des cours de manière ludique par exemple.
Pour bien écrire, il faut des notions orthographiques et grammaticales, mais la lecture est un ingrédient facilitant l’écriture de par le vocabulaire appris, les tournures de phrases, etc. Donner l’envie de la lecture est complexe et difficile pour plusieurs raisons : le coût du livre, sa rareté parfois, les taxes de dédouanement (alors qu’une loi érigée sous Kabila les dédouane). Il faut aussi tenir compte de l’intérêt des enfants, ce qui les motive pour alors les orienter vers une lecture en commençant par des auteurs de leur pays, de la RDC dans le cas présent ! Leur imposer (encore une obligation) Baudelaire, Hugo, Martine fait du ski, est-ce bien raisonnable ? Laissons-les découvrir le monde proche qui les entoure, ils auront alors l’envie de découvrir, par la lecture, les mondes plus lointains. Même dans les manuels scolaires, les textes africains sont en minorité. L’idée des 15 minutes de lecture par jour est, pour moi, une solution intéressante.
Le problème du livre en rdc est un problème général de la culture : tous les artistes sont dans le « démerde-toi » et n’ont que peu ou pas d’aide de l’État. Ils se tournent alors vers la coopération culturelle étrangère sur le territoire. Quant aux maisons d’édition, rares sont celles sérieuses et elles sont en majorité à Kinshasa que l’on considère comme étant « le pays ».
L’affluence dans les bibliothèques et autres espaces du livre
Y a-t-il en RDC une bibliothèque 100 % congolaise ? Je n’ai pas la réponse. Les autres sont sous influence occidentale. À Lubumbashi, sans en être certain, je pense que l’affluence est correcte à la Halle de l’Étoile et un partenariat avec les écoles de la ville pourrait améliorer les choses afin que les enfants en bénéficient. J’aime aussi à dire que si le Congolais ne va pas au livre, faisons en sorte que le livre, la lecture aille à lui. J’ai en ce sens déposé une multitude de projets au gouvernorat sans grand succès actuellement (centre de lecture, bibliobus, sensibilisation dans les écoles, e-bibliothèque, human library). Il semble que la culture ne soit pas un priorité.
Le peu de responsabilités des institutions d’enseignement est-il aussi une cause ?
Oui, mais elle n’est pas la seule : manque de volonté, de moyens et je parle par expérience : dans un établissement scolaire congolais privé, il a fallu pleurer pour avoir quelques dollars afin d’acheter des ouvrages susceptibles d’intéresser les étudiants, par contre on leur demande de payer une inscription alors que les ouvrages présents sont dépassés et/ou en très mauvais état. J’ai l’impression aussi que certaines écoles ne souhaitent pas que les élèves apprennent autre chose que ce qui est dispensé au cours. Vous savez, la lecture est un vecteur d’émancipation et cela ne plaît pas à tout le monde ! L’idée des 15 minutes de lecture 2 fois par semaine a duré 2 semaines, cela ne plaisait pas non plus à quelques professeurs, car ils avaient l’impression d’avoir une charge de travail supplémentaire : je les entends encore dire que s’ils étaient mieux payés, ils donneraient le meilleur d’eux-mêmes. Même pour un concours organisé à Kinshasa pour toutes les écoles du pays, j’avais réussi, seul, à faire en sorte que 11 candidats de l’établissement soient classés parmi les 30 finalistes, mais rien n’a été organisé pour améliorer les choses. Ah si, les directions s’en sont félicitées laissant croire aux parents que l’organisation était la leur. ‘fin non, c’est l’habitude de prendre les lauriers de tiers. Dans cette école, on n’aime pas les initiatives, certains attendent leur salaire et arrondissent leurs fins de mois. Je n’en dirai pas davantage, parce que c’est peut-être un cas isolé. Du moins, j’aime à le croire.
Cependant et heureusement, des jeunes aiment lire, il faut dès lors les encourager ainsi que leurs parents et leur donner la possibilité de poursuivre cette route vers la connaissance. Le gouvernement a un rôle à jouer : « une vision sans action n’est qu’une hallucination » nous dit si bien Michaël Kami.
Une association, basée à Kinshasa, rend le livre accessible dans les prisons, pourquoi ne pas aussi le faire efficacement dans les écoles, c’est le rôle de l’État !