Colonisateurs/colonisés : sous ces qualificatifs, n’y aurait-il que les hommes qui ont changé ?

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Colonisateurs/colonisés : sous ces qualificatifs, n’y aurait-il que les hommes qui ont changé ?

Question vicieuse de ma part qui laisse entrevoir ce que je pense. Plongeons-nous dans les extraits du Discours sur le colonialisme, d’Aimé Césaire (1950). Cela pourrait encore être la réponse adéquate alors qu’en Belgique les débats font rage et que les commentaires les plus idiots (re)font surface sur cette triste période de l’histoire.

Cependant, et cela n’engage que moi, cette opposition « colonisateurs/colonisés » n’est-elle pas toujours d’actualité, seuls les acteurs, quelle que soit la couleur de peau, ayant changé ?

Je vois bien ce que la colonisation a détruit (…) Je vois bien celles – condamnées à terme – dans lesquelles elle a introduit un principe de ruine (…) Je vois moins bien ce qu’elle a apporté.

Sécurité ? Culture ? Juridisme ? En attendant, je regarde et je vois, partout où il y a, face à face, colonisateurs et colonisés, la force, la brutalité, la cruauté, le sadisme, le heurt et, en parodie de la formation culturelle, la fabrication hâtive de quelques milliers de fonctionnaires subalternes, de boys, d’artisans, d’employés de commerce et d’interprètes nécessaires à la bonne marche des affaires.

J’ai parlé de contact.

Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.

Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en gardechiourme, en chicote et l’homme indigène en instrument de production.

À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification.

J’entends la tempête. On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes.

Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées.

On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer.

Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés (…) Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse.

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